Entre mère et fille : un ravage / M.M. Lessana

La correspondance de Mme de Sévigné à sa fille : paradigme du ravage


"Pour conclure, il faut remarquer d'abord que, dans ce cas, le ravage s'est effectué directement entre la fille et la mère. La mère n'a esquivé ni l'agressivité ni les reproches, elle a même souhaité s'y confronter en présence de sa fille. Il me semble que nous avons ici non seulement l'expérience du ravage, mais aussi l'épreuve de sa traversée jusqu'à sa résolution.
Le ravage s'est clairement déclaré lorsque Mme de Grignan, mariée, dut rester "faire ses couches" chez sa mère, en l'absence de son mari. Puis, il se manifesta lors des cohabitations successives. Il se prolongeait dans la correspondance, où il tentait de se tempérer par le jeu de la distance et des lettres. Le ravage, c'est l'apparition torturante de la haine sourde présente dans l'amour exclusif entre mère et fille. Il révèle l'impossible harmonie de cet amour qui se heurte sur l'impossible activité sexuelle.
Le ravage s'exprime par les malentendus qui surgissent dans les tentatives de donner et de recevoir des preuves d'amour. Ces écueils se traduisent par des imputations souvent démenties par l'autre. Nous avons suivi les différentes étapes : Mme de Grignan fut à l'adolescence mise en avant, érigée, par sa mère comme un phallus qui brille en faisant briller sa mère, alors qu'elle tenait son éclat de l'éclat de sa mère. Ainsi, grâce à sa fille, Mme de Sévigné se préserva d'une sexualité considérée comme dangereuse, à laquelle elle avait renoncé à la mort de son mari."
Marie-Magdeleine Lessana, Entre mère et fille : un ravage, Paris, éditions Pauvert, 2000, p. 109-110.


Caroline Bernard - Psychologue clinicienne
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