Le psychanalyste à l'écoute du silence - par Liliane Zolty

"Les patients disent toujours vrai lorsqu'ils disent qu'ils n'ont "rien à dire", mais pour rencontrer ce "rien à dire", il faut parler. L'art de l'analyste est bien de solliciter la parole jusqu'à ce que s'épuisent les "ultimes mirages". Ce rien à dire est convoqué par le silence de l'analyste. Le silence de l'analyste n'est pas une démission ni une absence et le silence qu'il instaure n'est pas un vide, mais une "présence autre dans un silence partagé".
Dans  l'analyse, il s'agit de parler pour créer le silence, car de même que le cri fonde le silence, c'est la parole seule qui lui donne existence. Sans parole prononcée, un dessin d'enfant ne veut rien dire, un geste reste perdu dans son intention, un acte manqué reste vraiment manqué ; car seule, la parole peut laisser advenir le silence qui conférera à ce dessin, ce geste, ou cet acte manqué, sa valeur d'acte analytique.
Le silence dans l'analyse est l'expérience quotidienne du non-savoir, de la castration symbolique de l'analyste, de son ignorance tout aussi grande que celle de son patient. Par le silence, l'analyste suspend sa position de savoir, de compréhension, de jugement. L'analyste ne s'abandonne pas au silence, mais se laisse porter par lui jusqu'à la précipitation d'un dire. Cette suspension favorise les dérives que provoque en lui une écoute flottante, pour autant que le flot est porteur et véhicule de cet Autre lieu qu'il soutient de sa neutralité, à entendre dans son étymologie : "ne-uter", ni lui, ni son patient.
Liliane Zolty, "Le psychanalyste à l'écoute du silence", p. 230-231.

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