Abrégé de psychanalyse, Freud et le sein maternel
"Le sein nourricier de sa mère est pour l'enfant le premier objet érotique, l'amour apparaît en s'étayant à la satisfaction du besoin de nourriture. Au début, l'enfant ne différencie certainement pas le sein de son propre corps. C'est parce qu'il s'aperçoit que ce sein lui manque souvent que l'enfant le sépare de son corps, le situe au "dehors" et le considère dès lors comme un "objet", un objet chargé d'une partie de l'investissement narcissique primitif et qui se complète par la suite en devenant la personne maternelle. Celle-ci ne se contente pas de nourrir, elle soigne l'enfant et éveille ainsi en lui maintes autres sensations physiques agréables ou désagréables. Grâce aux soins qu'elle lui prodigue, elle devient sa première séductrice. Par ces deux sortes de relations, la mère acquiert une importance unique, incomparable, inaltérable et permanente et devient pour les deux sexes l'objet du premier et du plus puissant des amours, prototype de toutes les relations amoureuses ultérieures. Ici, le fondement phylogénétique prédomine à tel point sur les facteurs personnels, accidentels, qu'il importe peu que l'enfant ait réellement tété sa mère ou qu'il ait été nourri au biberon sans connaître jamais les tendres soins maternels. Le développement est semblable dans les deux cas. Il se peut même que la nostalgie, dans le second cas, n'en soit ultérieurement que plus forte. Si longtemps, d'autre part, que l'enfant ait tété le sein de sa mère, il restera toujours convaincu, après le sevrage, d'avoir tété trop peu et pendant un temps trop court."
Sigmund Freud, Abrégé de psychanalyse, 1938, première publication en allemand en 1946, p. 59.
Caroline Bernard - Psychologue clinicienne
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