Deuil

"Le désarroi, l'incompréhension et puis la douleur. Le doute, l'effraction, l'effarement, la lucidité, le désordre encore... La mort d'un être cher nous confronte à toutes sortes de sentiments qui se mélangent pour mieux nous dérouter.
L'incrédulité accompagne souvent l'annonce de la terrible nouvelle et ce, même lorsqu'elle était attendue. C'est qu'à la place de l'impossible représentation de la mort, il n'apparaît qu'un trou. Le réel de la perte se révèle alors dans une crudité que ni l'imaginaire ni le symbolique ne peuvent recouvrir d'emblée. La pensée inacceptable va pourtant s'imposer en force : l'être cher a disparu pour toujours.
Ballotté par des forces contraires, le sujet endeuillé oscille entre le refus, la pensée obsédante, l'oubli ; peu à peu, la certitude de la disparition de la personne aimée prendra néanmoins le dessus, car il n'est d'autre solution que de prendre en compte l'événement inadmissible. La révolte, le chagrin, l'incompréhension n'y peuvent rien.
De tout temps, les êtres humains ont buté sur le phénomène de la mort qu'ils ont voulu comprendre. Or, la réflexion n'est d'aucun secours, rien ne peut en être saisi : la perte, c'est du négatif non représentable. C'est ce rien que nous rencontrons lors de la mort d'un proche et ce rien nous bouleverse. Nous butons sur le fait inconcevable, nous efforçant de cerner le trou de la perte jusqu'au moment où il pourra se voiler avec du symbolique, atténuant notre souffrance. Les mots que nous prononçons lors des obsèques, les rituels qui ont traversé les âges et les cultures, la sépulture qui marque le début de l'humanité, tout cela sert à habiller l'événement hors sens avec du symbolique et à le rendre moins cru, moins nu."
Sonia Chiriaco, Le désir foudroyé. Sortir du traumatisme par la psychanalyse, 2012, p. 123-124.

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