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Affichage des articles du 2017

Réussites et échecs scolaires (2) : refuser d'apprendre ?

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L'école n'est pas un isolat. L'élève arrive en classe plein d'idées, de conceptions du monde (farfelues, erronées, justes, tout cela à la fois aussi) et de réponses déjà établies. Autant de garanties pour s'orienter dans le monde et tenir à distance un savoir qu'il sait par avance déstabilisateur.  Ce texte est la suite d'une première réflexion à retrouver ici . Théorie de l'esprit Apprendre n'est pas comprendre mais la capacité à comprendre les intentions d'autrui - ce qu'on appelle la théorie de l'esprit - est une forme d'apprentissage réalisée très tôt. Parfois même avant l'école. Or, face à cette capacité tous les enfants ne sont pas égaux. Lectures d'albums, histoires racontées par les adultes proches, réflexivité au sujet des émotions des membres de la famille, autant de moment qui initient à la théorie de l'esprit dans la mesure où l'accès aux émotions des autres se forge alors de manière progres...

Chanson douce, un roman sombre de Leïla Slimani

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Une occasion de revenir sur l'envie selon Melanie Klein Un couple et leurs deux enfants. Ils travaillent tous les deux et n'obtiennent pas de place en crèche. Ils cherchent une nounou. Ils trouvent Louise. Louise s'installe dans leur quotidien. Elle est présente tous les jours, fait bien plus que s'occuper des enfants. Ils l'emmènent en vacances, et un jour elle tue les enfants et tente de se tuer aussi. Le roman de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, raconte les quotidiens d'une famille et d'une femme. Car ce ne sont pas les mêmes. Ils vivent presque ensemble et pourtant, leurs vies sont si dissemblables.  Ces infanticides qui ouvrent le roman s'éclairent au fur et à mesure des pages d'une histoire qui happe les lecteurs. Louise est envieuse de la vie des Massé. D'une envie kleinienne qui tient peu à la douceur. Melanie Klein définit l'envie comme " le sentiment de colère qu'éprouve un individu quand il craint qu...

Carré 35 : deuils impossibles

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Eric Caravaca, acteur et réalisateur, est devenu père et a filmé son fils. Il ne sait pas alors que ses parents ont fait comme lui quand sa grande soeur est née. Les films et les photos de cette Christine ont disparu ensuite. Après la mort de la petite fille à 3 ans - avant la naissance des deux fils - la mère a tout détruit et n'est jamais retournée sur la tombe du cimetière de Casablanca dans le carré 35. Un jour, alors qu'adulte il accompagne un ami dans un cimetière, il est pris d'une tristesse qu'il ne s'explique pas en passant dans le carré des enfants. Son film est une manière pour lui de faire parler ses parents, son frère et son cousin. Comment faire parler une mère de la mort de sa fille qu'elle a tue car il lui était impossible de l'accepter ? Comment faire tomber un secret de famille une cinquantaine d'années plus tard ? Comment supporter la révélation des deuils impossibles de sa mère ? Dès le début de ce film court et au mon...

La sauvagerie maternelle et la rupture - possible - du serment par son enfant

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Noémie Lvovsky filme une enfant et sa mère. La mère s'absente souvent et quand elle est présente, elle est à côté. Heureusement, la petite fille trouve dans son oiseau domestique un partenaire de discussion et une manière de supporter l'abandon. La forêt, ce  "lieu de l'archaïque, du maternel, de l'inconscient, de l'égarement, de la déraison"  comme le rappelle Anne Dufourmantelle dans son livre La sauvagerie maternelle , vient signifier dans le film la solitude, la mort qui rode, l'absence de perspective demain et tous les autres jours . Si la fin du film fait un saut dans le temps pour retrouver cette enfant en adulte et offrir au spectateur une ouverture heureuse entre la mère et la fille, l'écoute dans le cabinet de l'analyste ne témoigne pas toujours de cette facilité. L'amour de la mère pour le nouveau-né lui "constitue une sorte d'enveloppe psychique et physique qui permettra à l'enfant, plus tard, de "naît...

Comment en vient-on à parler sa langue ?

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Marx et la poupée, de Maryam Madjidi Naître en Iran. Grandir en France. S'installer en Chine et en Turquie. De quoi peut-on rêver ? Quelle langue parler ? Comment continuer à manger ? Maryam Madjidi a quitté l'Iran avec ses parents. Ils y ont laissé leurs rêves communistes, elle y a abandonné ses jouets d'enfants. Une fois à Paris, rêver, parler et manger n'ont plus rien d'évident.  Adulte, l'auteure é tudie la littérature iranienne et enseigne la langue française. Elle mène sa vie entre Paris, Pékin, Istanbul et Téhéran, s éduit en (se) jouant de sa langue maternelle. Jusqu'au jour où ça ne fonctionne plus. Alors, elle écrit et adopte sa langue. Nourrie de poésie iranienne, de littérature française, de liberté quotidienne et d'une mémoire où l'humour le dispute au tragique, elle raconte son histoire et nous fait voyager entre ses pays, ses parents, ses amours et son désir.

De la dépression à l'espérance : là où le coeur attend

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Une nuit de décembre, Frédéric Boyer ne dort pas. Il sombre.  "Je me traînais d'une chaise sur une autre en disant c'est fini, mais sans trouver de point final. Je n'attendais plus rien que de mélancoliques affaissements dans des fauteuils ou sur le sol d'une chambre. Mais c'est cela que je veux rappeler pour l'intérêt de ce petit livre : il n'y a qu'une voie pour perdre sa place au monde, c'est d'avoir le sentiment d'être arrivé là d'où littéralement on ne peut plus bouger. D'avoir atteint l'inconfortable situation où même la chute est déjà derrière nous. C'est la certitude d'avoir perdu cette force qui nous pousse, qui requiert, qui suggère, qui invente, et qui nous dit que par un autre que nous elle ne pourrait être exécutée."  La dépression l'enveloppe. "Le tragique était d'être là, présent sans présence, de devoir poursuivre une existence qui n'envisageait pas de suite. (...) Je n...

Du secret et de la parole

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A l'heure où les réseaux sociaux bruissent du hashtag #balancetonporc dans la lignée des révélations sur le comportement d'Harvey Weinstein et après la mise en scène médiatique de l'affrontement de deux femmes (Christine Angot et Sandrine Rousseau) qui ne veulent pas donner à la parole la même valeur, relire Anne Dufourmantelle offre une ouverture, un espace de pensée. Garder le secret Pourquoi est-il si difficile de quitter ces loyautés d'enfance qui exigent de nous le paiement d'une dette inacquitable - parfois jusqu'au suicide ? Préfère-t-on cette souffrance à rien ? L'idée que ceux qui nous ont engendrés sont indifférents, voire franchement hostiles à notre existence, est tout simplement inenvisageable et lorsqu'elle s'insinue quand même, c'est tout le corps psychique qui se gangrène, et il devient essentiel de s'inventer à tout prix d u sens, de l'exigence, pour ne pas disparaître. Il nous faut alors garder le secret. Le s...

BD : Une histoire du sexe

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La couverture de la BD, qui, au verso, est un poster de la déesse Ishtar Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue et sexologue, et Laetitia Coryn, dessinatrice, ont entrepris de raconter l'histoire de la sexualité en bande-dessinée (aux éditions Les arènes BD). Deux millions d'années de relations sexuelles en douze chapitres et sous forme graphique, l'ampleur de la tâche pouvait tourner au fiasco. Et pourtant, c'est une très belle traversée à travers les civilisations et les moeurs qu'ils nous proposent. Injonctions, trouvailles, pas de côté, accession du désir, inégalités entre les sexes, maladies et remèdes sont racontés avec sérieux et humour.  Le seul oubli dommageable de ce livre ce sont les règles puisque dans cette longue épopée il n'en est nulle part fait mention.  Un des écueils pour ce genre d'ouvrage aurait été de se focaliser sur la sexualité de l'élite. Or ici, le lecteur navigue entre les classes sociales. Au final, la sexuali...

Hervé Le Tellier, Toutes les familles heureuses

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Toutes les familles heureuses se ressemblent. Or Hervé Le Tellier a une vie singulière. Un bric-à-brac qui lui sert de famille avec qui il a bien dû composer. Tant et si bien que l'anormalité lui semblait banale et qu'il a aujourd'hui matière à raconter. Etre le fils de Marceline, voilà qui ne fut pas simple. Si seulement être le fils de ses pères Serge et Guy avait été plus évident l'histoire en aurait été différente. Las d'un monde d'adultes peu doués pour la parentalité, il trouva la lecture. Essaya les mathématiques. Se plongea finalement dans l'écriture. Forcément pour raconter sa famille, il doit en passer par l'arbre généalogique. Autant le dire de suite, l'auteur n'est pas dupe et ne l'a jamais été. Mensonges maternels permanents et maladies psychiques l'on accompagnés depuis son enfance. Il en résulte qu'il ne se ment pas, qu'il l'annonce à son lecteur. Lors ce dernier s'autorise même à rire du pire. Le p...

Marie Darrieussecq : Notre vie dans les forêts, une dystopie au bistouri

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Elle n'a plus qu'un oeil. Un seul rein aussi. Et un seul poumon. Alors elle raconte sa vie. Marie vit dans la forêt. Elle est psychologue. Enfin, elle était. Elle a fui. Fui la ville et sa civilisation. Le lecteur ne sait pas quand ni où Marie, sa moitié et quelques autres vivent. Mais les souvenirs du XXe et du XXIe siècle sont encore là. Sa moitié lui renvoie une inquiétante étrangeté. Mais Marie ne peut pas le dire. Tout est enregistré. Les instruments sont intégrés aux corps. Le talent de Marie Darrieussecq c'est notamment d'arriver à écrire des choses atroces avec une légèreté confondante. Et de nous emmener progressivement vers les profondeurs. Les profondeurs de ce monde sont pourtant transparentes. Tout est logique. Les émotions sont connues. Les psychologues savent faire "mettre des mots" sur les accidents : "horrible = effroyable = vitesse = chute = froid = terreur = vie qui défile = mort imminente". Mais ils ne savent plus fai...

Pour se souvenir d'Anne Dufourmantelle

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Anne Dufourmantelle était philosophe et psychanalyste, et ses livres sont des pépites. Poétiques, intelligents, ils ouvrent chacun au désir. Elle est décédée hier à 53 ans d'un arrêt cardiaque en tentant de sauver un enfant de la noyade. "Eloge du risque" est un bijou, une aventure dans la psyché humaine. Il a le goût de la vie, de la belle vie risquée. "Puissance de la douceur" se lit par bribes et donne à penser et à désirer très longtemps. Il est rare de rencontrer des livres si féconds.  

Dynamiques psychiques des réussites et des échecs scolaires

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Pourquoi réussit-on à l'école ? Pourquoi échoue-t-on ?  Que met-on derrière les mots de réussite scolaire ou d'échec scolaire ?  Entre ces deux extrêmes de la réussite brillante et de la sortie du secondaire sans diplôme, toutes les nuances de la réussite et de l'échec existent. Les études en science de l'éducation comme en neurosciences sont amplement développées. Les premières mettent l'accent sur l'appartenance sociale dans la lignée de Bourdieu pour montrer en quoi le système scolaire favorise les élèves disposant dans leur famille d'un capital culturel légitime. Les secondes montrent que les aptitudes attendues par les élèves font intervenir des compétences déjà travaillées dans l'environnement de l'enfant. A chaque fois, c'est la difficulté de l'école et des enseignants à rendre explicite ce qui est attendu qui est pointée. Pourtant, il existe dans la classe une autre scène et elle se joue à chaque heure de cours entre ...

Du médicament à l'overdose

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Plus de jouir et pulsion de mort La publication de deux dossiers dans Libération les 14 et 26 juin derniers au sujet de l'utilisation détournée des médicaments invite à s'interroger sur les nouveaux modes de consommation. Comment la recherche de sensations alliés à une politique de santé publique insuffisante mènent de plus de plus de personnes à l'overdose ? Une de Libération 26 juin 2017 Libération , 14 juin 2017 1/2 Libération , 14 juin 2017 2/2 Dans la communauté homosexuelle, le hashtag #ChemSex vient révéler ces pratiques sous un versant festif tout en masquant le caractère morbide de cette course aux sensations. Pourtant les risques psychiques sont avérés et multiples :  attaques de panique, accès maniaques, replis autistiques, bouffées délirantes aiguës, passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs, troubles dépressifs, syndromes paranoïaques, un isolement social, addiction sexuelle induite. Quant à la dépendance plus...

Une obligation de soins : quand la justice impose un suivi par un psy

Ce sont des appels inquiets. Il faut aller vite souvent. Le procès approche. L'obligation de soins exigée par la justice à un justiciable laisse souvent ce dernier dans une ambivalence complexe à accepter. Il refuse de faire face mais sait que la justice compte sur sa coopération pour amoindrir la possible peine. Il alterne entre la passion de l'ignorance (ne pas se confronter à son geste pour lequel il risque une condamnation) et le désir de soi (qui peut alors passer par le fait de parler de soi). Alors, que peut-il se passer si cette personne s'autorise à appeler "un psy" ? Comme dans tout travail de psychothérapie, la rencontre se fait ou... ne se fait pas. Le transfert est à l'oeuvre ni plus ni moins que dans un appel hors injonction judiciaire. L'intimité distante se met en place, et c'est cette intimité distante qui permet de travailler.  Pourtant, la psychothérapie dans ce cadre a bien quelque chose de spécifique : il s...

"I am not your negro", une inquiétante étrangeté

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Raoul Peck s'empare du récit laissé inachevé de James Baldwin après les meurtres de  Medgar Evers, Martin Luther King Jr. et Malcolm X. Retraçant l'histoire des noirs aux Etats-Unis à partir de la voix de Samuel L. Jackson  lisant la trentaine de pages écrites par Baldwin, mais aussi de scènes cinématographiques et d'actualité, c'est l'histoire du pays qui est ainsi brossé à travers l'esclavage, la guerre de sécession, la ségrégation et les combats pour les droits civiques. Accrochés à cette voix les spectateurs se trouvent saisis par les images  violentes de blancs tabassant des noirs, de noirs pendus, de policiers tirant sur les manifestants noirs. Elles sont pour beaucoup connues, mais la mise en exergue par le texte vient leur donner une nouvelle actualité car, comme l'écrit Marie-José Mondzain, elles sont alors habitées par la parole. «  Il y a des visibilités qui personnifient un discours, c'est toujours le discours du maître. Dès ...