Dynamiques psychiques des réussites et des échecs scolaires
Pourquoi réussit-on à l'école ? Pourquoi échoue-t-on ?
Que met-on derrière les mots de réussite scolaire ou d'échec scolaire ?
Entre ces deux extrêmes de la réussite brillante et de la sortie du secondaire sans diplôme, toutes les nuances de la réussite et de l'échec existent.
Les études en science de l'éducation comme en neurosciences sont amplement développées. Les premières mettent l'accent sur l'appartenance sociale dans la lignée de Bourdieu pour montrer en quoi le système scolaire favorise les élèves disposant dans leur famille d'un capital culturel légitime. Les secondes montrent que les aptitudes attendues par les élèves font intervenir des compétences déjà travaillées dans l'environnement de l'enfant. A chaque fois, c'est la difficulté de l'école et des enseignants à rendre explicite ce qui est attendu qui est pointée.
Pourtant, il existe dans la classe une autre scène et elle se joue à chaque heure de cours entre les élèves et leurs enseignants. Cela n'annule pas les dynamiques sociales. Au contraire, les dynamiques psychiques s'y mêlent. Voilà pourquoi, il est difficile de donner des méthodes et autres trucs pour réussir mais qu'une approche plurielle est une des voies de réussite.
Je voudrais ici réfléchir à ce qui se joue du côté des élèves et des enseignants quand on parle de réussite ou d'échec scolaire.
On remarque d'abord que l'identification des enfants aux adultes qui les entourent ne s'arrête pas à la porte de la famille, même élargie. Elle se joue aussi avec les enseignants, et est largement inconsciente. N. disant "Mais, elle, elle est sympa." au sujet d'une enseignante qui la reprenait quinze fois par cours. N. entendait donc certainement autre chose que les reproches. Les enseignants aussi, une fois passés de l'autre côté du bureau, vivent cette identification avec leurs élèves. Quand un enseignant dit : "Il me fait penser à mon petit frère. Une vraie tête à claque mais je l'adore." Il y a fort à parier qu'il ne laissera pas cet élève se morfondre au fond de la salle sans s'occuper de lui. Et que son désir de transmettre pour ouvrir à la pensée, pour émanciper n'en sera que renforcé... si cette ressemblance ne vient pas glacer son travail.
Mais réussir à l'école c'est aussi s'ouvrir à sa propre conflictualité psychique entre la passion de l'ignorance (ce je-ne-veux-rien-savoir qui me permet de ne me sentir comptable de rien) et le désir de pénétrer le savoir et de s'affirmer comme celle ou celui qui sait (et dont les autres attendent des choses en retour).
Il s'agit aussi de s'inscrire dans une filiation de réussites ou d'échecs (faire comme les grands) ou de s'en libérer (car l'identification est orientée vers d'autres). Cela suppose que les élèves se soient construits dès avant l'école en tant qu'enfants désirants et se sentent légitimes à l'être. Or, cette construction ne se fait pas de la même manière dans toute les familles. Le désir de savoir n'est pas toujours valorisée.
Quant au désir de réussite, il se heurte à l'autorisation que l'enfant se donne et qu'on lui donne. Jusqu'où peut-il réussir ? Doit-il réussir comme ses parents ? Peut-il faire mieux qu'eux ? A-t-il le droit de faire différemment ? Ce désir de réussite se fraye un chemin à côté de l'angoisse de l'échec (souvent bien partagée par l'enfant et les adultes de son entourage) qui vient parfois paralyser l'élève.
A l'adolescence, la place que vient prendre la sexualité mature fait souvent traumatisme et déplace le rapport au savoir. Que laisse-t-elle à l'activité de pensée ? Une ouverture vers la sublimation ou bien un ravage qui se traduit par une explosion des affects ou une inhibition invalidante ? Quelle place est laissée dans les institutions si pesantes que sont la famille et l'école à ces questionnements ? Très souvent aucune. Il ne s'agit pas de dire que la famille et l'école devraient être ouvertes à ces questions. Ce n'est peut-être pas le lieu. Mais on peut alors se demander comment on accepte collectivement le sous-financement des CMP et CMPP, ou bien le non-remboursement des consultations de psychologues travaillant en libéral.
Plus étonnant, beaucoup d'élèves en réussite au collège se trouvent en grande difficulté au lycée. On peut incriminer la hausse des exigences ou le nombre d'élèves par classe, cela n'explique pas tout. Il semble aussi qu'à l'école primaire comme au collège, une certaine réussite soit possible dans le collage à un discours déjà établi. Ce faux-semblant de réussite, qui n'est parfois pas décelé par les enseignants ou qu'ils n'arrivent pas à faire bouger, s'effondre en Seconde quand les élèves n'arrivent pas à construire leur propre savoir et leur propre discours sur le monde. Ce savoir et ce discours qui donnent prise sur sa vie peut aussi être vertigineux tant le champ du savoir est infini. Mais il s'agit bien ici d'un aller-retour entre les élèves et les enseignants, et selon que ces derniers feront apprendre un savoir clôt ou bien ouvriront leurs classes à une activité de pensée intellectualisée, conscientisée et réflexive, les effets ne seront évidemment pas les mêmes.
Ce tour d'horizon n'est évidemment pas exhaustif mais il vient réaffirmer la nécessité de prendre en compte de multiples facteurs pour analyser la réussite et l'échec scolaire. Il ouvre aussi à des solutions variées pour faire mieux réussir les élèves en difficultés.
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