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Affichage des articles du septembre, 2015

Le psychanalyste à l'écoute du silence - par Liliane Zolty

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"Les patients disent toujours vrai lorsqu'ils disent qu'ils n'ont "rien à dire", mais pour rencontrer ce "rien à dire", il faut parler. L'art de l'analyste est bien de solliciter la parole jusqu'à ce que s'épuisent les "ultimes mirages". Ce rien à dire est convoqué par le silence de l'analyste. Le silence de l'analyste n'est pas une démission ni une absence et le silence qu'il instaure n'est pas un vide, mais une "présence autre dans un silence partagé". Dans  l'analyse, il s'agit de parler pour créer  le silence, car de même que le cri fonde le silence, c'est la parole seule qui lui donne existence. Sans parole prononcée, un dessin d'enfant ne veut  rien dire, un geste reste perdu dans son intention, un acte manqué reste vraiment manqué ; car seule, la parole peut laisser advenir le silence qui conférera à ce dessin, ce geste, ou cet acte manqué, sa valeur d'acte analy...

Affect. Soi et les autres.

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Le cas Paramord. Extrait. "Assomption essentielle de cette hypothèse : l'affect n'est pas un état mental privé, ni l'agitation intime et inscrutable d'un corps, mais il est ce qui affecte autrui, ce dont autrui s'affecte ensuite, et ce dont enfin autrui affecte en retour ce lui qui l'a d'abord affecté. Il en ressort que c'est bien plus souvent autrui qui sait et même qui sent mieux que nous de quoi nous sommes réellement affectés (si nous en sommes en colère ou bien en train de jouir d'avoir eu raison, si nous sommes excités par la joie du triomphe ou juste en train de nous soulager fugitivement d'une angoisse qui n'a pas dit son nom, etc.). J'ai dit dans La fin des coupables  en quel sens nos actes de parole, dans leur inéliminable dimension perlocutoire, ou rhétorique, se mettaient en quête d'un interlocuteur essentiellement affecté . Chercher ce répondant passionnel chez autrui a lieu dans et par le langage, mais ce n...

Obsessions. Pierre-Henri Castel relit Pierre Janet.

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"Quelles que soient les obsessions, Janet signale que, malgré les apparences, les obsédés les aiment. Les sujets prétendent qu'ils ne peuvent lutter. Mais en même temps, ils ne cessent de tester si elles sont toujours là : ils se tentent eux-mêmes pour voir si... Le conflit intérieur n'est donc, pour Janet, qu'un faux-semblant  : "ils ont des manies de lutter désespérément contre des impulsions qu'ils inventent". Janet évite pour cette raison de parler d'"obsession de..." et il préfère la formule "manie de..." (de la saleté, de la précision, etc.) sur le modèle de celle que Charcot et Valentin Magnan avaient isolée, la manie des noms : l'onomatomanie, ou des nombres, l'arithmomanie (de Julius Donath). L'obsession échoue, en fait, à être si obsédante  que cela. Les images restent toujours un degré en deçà de l'hallucination franche, ce qui les distinguent de l'"idée fixe" hystérique. Les compulsions ...

Agar, une figure du féminin en Islam

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Le blanc du désert. Une femme à l'origine "Qui est cette femme qui court, haletante, pour sauver son enfant dans le désert d'Arabie ? Agar. Agar l'expulsée car la première accouchée. Le rideau se lève sur la vieillesse d'Abraham, l'infécondité de Sara et une promesse : "Tu deviendras père d'une multitude de nations" ( Genèse 16, 5). Agar ne fera son apparition que plus tard afin de pallier cette infécondité de l'épouse. Son corps d'esclave sera offert à Abraham. Mais on lui interdira de jouir aussi bien de sa féminité que de sa maternité. Pour le plaisir éprouvé, pour la fécondité assurée, Sara exige un châtiment et Abraham de lui dire : "Voici ton esclave entre tes mains ; fais-lui ce que bon te semblera." Alors Sara l'humilia et Agar s'enfuit loin d'elle ( Genèse  16, 6). Et ce n'est pas le code mésopotamien qui la rappelle à sa condition d'esclave mais l'Ange qui lui enjoint de rebrousser ch...

Un corps, ses images : mathématiques, désir et prégnance

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"Commençons par répondre aux deux questions les plus élémentaires et cependant les moins bien étudiées de la littérature analytique : qu'est-ce qu'une image ? Et quel est le corps dont l'image corporelle est la réplique ? Définissons d'abord l'image en général. On croit à tort que l'image relève du seul domaine de la vision et l'on confond souvent image et image visuelle. C'est une erreur, car nous savons qu'il existe beaucoup d'autres images que l'image visuelle. Qu'est-ce donc qu'une image ? De toutes les définitions de ce terme, je préfère celle proposée par les mathématiciens parce qu'elle est la plus claire et la plus rigoureuse. Que dit-elle ? Etant donné deux objets appartenant à deux espaces distincts, on dira que l'objet B  est l' image  de l'objet A  si à tout point ou groupe de points de B  correspond un point de A . Vous le voyez, cette équation simple nous permet de comprendre aisément qu'une i...

Deuil

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"Le désarroi, l'incompréhension et puis la douleur. Le doute, l'effraction, l'effarement, la lucidité, le désordre encore... La mort d'un être cher nous confronte à toutes sortes de sentiments qui se mélangent pour mieux nous dérouter. L'incrédulité accompagne souvent l'annonce de la terrible nouvelle et ce, même lorsqu'elle était attendue. C'est qu'à la place de l'impossible représentation de la mort, il n'apparaît qu'un trou. Le réel de la perte se révèle alors dans une crudité que ni l'imaginaire ni le symbolique ne peuvent recouvrir d'emblée. La pensée inacceptable va pourtant s'imposer en force : l'être cher a disparu pour toujours. Ballotté par des forces contraires, le sujet endeuillé oscille entre le refus, la pensée obsédante, l'oubli ; peu à peu, la certitude de la disparition de la personne aimée prendra néanmoins le dessus, car il n'est d'autre solution que de prendre en compte l'évé...

Un père - par Sibylle Lacan - trois extraits de son puzzle

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"C'est à Noirmoutier, où nous passions régulièrement les "grandes vacances", que l'"anormal" s'est glissé dans nos vies. Des petits amis bien-pensants nous révélèrent que nos parents étaient divorcés et que, de ce fait, maman était vouée à l'enfer (!). Je ne sais laquelle des deux nouvelles me frappa le plus. A l'heure de la sieste, nous eûmes, mon frère et moi, un long conciliabule." p. 19 "Je voyais mon père en tête à tête lorsque nous dînions ensemble. Il m'emmenait dans de grands restaurants et c'était l'occasion pour moi de déguster des plats de luxe : huîtres, homard, dessert somptueux - le comble de la volupté étant, à mes yeux, la meringue glacée. Mais surtout j'étais avec mon père et je me sentais bien. Il était attentif, aimant, "respectueux". Enfin j'étais une personne à part entière. Notre conversation était entrecoupée de silences paisibles et parfois, sur la table, je lui prenais ...

Investissements, contre-investissements et Idéal du Moi dans l'alcoolisme

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"Le trac des comédiens, la crainte de parler en public, l'impression de profonde incapacité devant la feuille blanche ou la toile vierge, sont autant de situations consciemment rapportées à quelque ouvrage défini autour duquel nous sentons que s'organisent de sérieuses défenses, tant le "projet" conscient ou préconscient doit être distingué des désirs inconscients contradictoires qui le sous-tendent et l'organisent. Il semble que l'aménagement pulsionnel que constitue l'activité intellectuelle ou artistique s'avère alors trop proche de ses bases instinctuelles pour être toléré tel quel par le moi. Le refoulement qui avait donné naissance à sa parure sublimatoire paraît ne pouvoir être plus longtemps maintenu, la vérité sexuelle du projet devoir éclater dangereusement, l'illusion de toute-puissance courir le risque d'un effondrement. Jeannine Chasseguet-Smirgel nous donne en ce domaine une fort intéressante clé clinique et théorique ...

L'empreinte et l'absence, Michel de Certeau et Joan Miró

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"En fait, d'avoir visité les bords de sa terre, d'avoir été comme Robinson "bouleversé" par les traces de l'absence marquées sur ces rivages d'une société, l'historien revient altéré , mais non pas silencieux . Le récit se met à parler entre contemporains. Il me semble qu'il peut  parler du sens rendu possible par l'absence, lorsqu'il n'y a plus d'autre lieu que le discours. Il dit alors quelque chose qui a rapport avec toute communication, mais il le raconte en forme de légende - à bon entendeur, salut -, dans un discours qu'organise une présence manquante et qui garde du rêve ou du lapsus la possibilité d'être la marque d'une altérité altérante. Personnage , Joan Mir ó, 1968, photo : Daniela J á come (Instagram : @danijacome) De la sorte, l'écriture met en scène le "vestige" d'un pied nu sur le sable. Ou plutôt elle s'y réfère comme à son autre. Dans sa sculpture Personnage , Mir ó  comb...

Entre mère et fille : un ravage / M.M. Lessana

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La correspondance de Mme de Sévigné à sa fille : paradigme du ravage "Pour conclure, il faut remarquer d'abord que, dans ce cas, le ravage s'est effectué directement entre la fille et la mère. La mère n'a esquivé ni l'agressivité ni les reproches, elle a même souhaité s'y confronter en présence de sa fille. Il me semble que nous avons ici non seulement l'expérience du ravage, mais aussi l'épreuve de sa traversée jusqu'à sa résolution. Le ravage s'est clairement déclaré lorsque Mme de Grignan, mariée, dut rester "faire ses couches" chez sa mère, en l'absence de son mari. Puis, il se manifesta lors des cohabitations successives. Il se prolongeait dans la correspondance, où il tentait de se tempérer par le jeu de la distance et des lettres. Le ravage, c'est l'apparition torturante de la haine sourde présente dans l'amour exclusif entre mère et fille. Il révèle l'impossible harmonie de cet amour qui se heurte...

Abrégé de psychanalyse, Freud et le sein maternel

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"Le sein nourricier de sa mère est pour l'enfant le premier objet érotique, l'amour apparaît en s'étayant à la satisfaction du besoin de nourriture. Au début, l'enfant ne différencie certainement pas le sein de son propre corps. C'est parce qu'il s'aperçoit que ce sein lui manque souvent que l'enfant le sépare de son corps, le situe au " dehors " et le considère dès lors comme un " objet ", un objet chargé d'une partie de l'investissement narcissique primitif et qui se complète par la suite en devenant la personne maternelle. Celle-ci ne se contente pas de nourrir, elle soigne l'enfant et éveille ainsi en lui maintes autres sensations physiques agréables ou désagréables. Grâce aux soins qu'elle lui prodigue, elle devient sa première séductrice. Par ces deux sortes de relations, la mère acquiert une importance unique, incomparable, inaltérable et permanente et devient pour les deux sexes l'objet du premier...

La Borde, le corps et l'âme, Oury et Platon, par Emmanuelle Rozier

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"Autrement dit, le rapport au corps se présente d'emblée, que l'on soit psychotique ou névrosé, dans une ambivalence : cause de souffrance, source de plaisir, mortel, à maintenir vivant malgré les désagréments qu'il génère. Il est intéressant de noter que ces problématiques, telles qu'elles sont développées par la psychanalyse, recoupent des considérations philosophiques déjà présentes chez Platon : Socrate (...) Tant que nous aurons notre corps et que notre âme sera embourbée dans cette corruption, jamais nous ne possèderons l'objet de nos désirs, c'est-à-dire la vérité. Car le corps nous oppose mille obstacles par la nécessité où nous sommes de l'entretenir, et avec cela les maladies qui surviennent troublent nos recherches. D'ailleurs, il nous remplit d'amours, de désirs, de craintes, de mille imaginations et de toutes sortes de sottises, de manière qu'il n'y a rien de plus vrai que ce qu'on dit ordinairement : que le cor...

"Défense du secret" par Anne Dufourmantelle

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"Il y a des secrets toxiques, d'autres qui sont sources de vie. Parfois c'est le temps seul qui oeuvre à la métamorphose du poison en trésor. Car on l'a vu, tout secret est en devenir, est un devenir. Trop souvent on l'essentialise, oubliant qu'il est un acte (de réserve, de séparation, de mise au silence ou de divulgation) et une puissance." Anne Dufourmantelle, Défense du secret , Paris, Payot, 2015, p. 43. Caroline Bernard - Psychologue clinicienne 2 Place du Maroc -  75019 Paris 06 80 66 22 55