Annonces - Nurith Aviv
Elles ont entendu des « Annonces ».
Un ange est venu et a dit à une femme qu’elle
était enceinte. C’est le fils de Dieu ou du prophète qu’elle porte. Elle
l’apprend ainsi.
Et Nurith Aviv, cinéaste, part à la
découverte des textes sacrés des monothéismes. Dans son documentaire, elle
interroge des femmes au sujet des mots et des images véhiculés par les textes,
mais aussi de ces annonces aujourd’hui. Et c’est ainsi que les spectateurs
partent à la découverte de la Torah, de la Bible et du Coran. Que disent ces
textes de l’annonce faite à une femme d’une descendance à venir ? Quel
écho ces textes ont-ils dans notre quotidien ?
Elles s’appellent Sarah, Hagar et Marie. Par
delà les différences de récit, il y a bien du changement qui s’opère pour ces
femmes. Cette lettre en moins dans le prénom - ce quelque chose qui tombe dans
ce changement de statut -, cette lettre en plus qui vient se glisser dans le
prénom. Pourtant cette modification ne se fait pas sans la femme. Il y a bien
une acceptation de sa part. Et l’acceptation se fait plutôt par l’intermédiaire
d’un renoncement que par l’affirmation d’une toute puissance. Les textes
fondateurs des religions monothéistes qui ont profondément marqué nos sociétés nous
parlent bien d’une fécondation par la parole. Mais elle survient aussi parce
que la femme à qui l’annonce est adressée est à même de l’accueillir.
Dans les récits autour de ces trois femmes
comme dans les histoires racontées par les témoins dans ce film, les questions
de l’adoption et du métissage sont centrales.
Accepter cet enfant à venir, c’est accepter
de l’adopter tel qu’il va venir. A cet égard deux récits contemporains incitent
bien à faire de chaque situation une histoire unique. Parce que pour l’une, la
femme ne pouvait pas être durablement enceinte tant qu’elle n’avait pas pris
conscience que sa propre mère, malgré ses abandons, l’avait bien portée. Et
parce que pour l’autre sa mère ne l’est vraiment devenue que bien après lui
avoir donné naissance.
Quant à la question du métissage, elle survient
dans toute naissance étant donnée l’extrême variabilité de chaque sujet. Mais
qu’une femme puisse mettre au monde l’enfant de Dieu ou du prophète c’est bien
la marque d’un extrême métissage. Une humaine pourrait donner naissance à la
lignée divine, à l’enfant de celui à qui Dieu parle et cet enfant n’aurait pas
de caractère métis ? Ce métissage et l’accueil de l’inconnu (divin ?)
sont d’ailleurs accentués dans le documentaire à la fin par l’intervention de
Barbara Cassin au sujet de l’antiquité grecque. Dans ce monde polythéiste, la
rencontre du divin peut surgir à chaque instant, sous la forme humaine comme
sous la forme animale (sacré Zeus), et cela modifie la perception de l’autre
autant que celle du divin, parce que l’autre c’est peut-être un Dieu.
Caroline Bernard
Psychologue clinicienne
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75019 Paris
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