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Triste tigre, écrire l'inceste

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Triste tigre  Neige Sinno  Un récit exceptionnel.  Neige Sinno décortique l’inceste.  Elle ne raconte pas seulement les années d’horreur, elle parle aussi de l’après avec une justesse et une finesse d’analyse du début à la fin. Ce faisant, elle réfléchit à ce qui fait traumatisme, et en même temps à ce qui permet à la littérature de s’écrire parce que comme disait Deleuze "on n’écrit pas avec ses névroses". Ce triste tigre (magnifique appellation du violeur, et un titre qui s’impose par sa clairvoyance), elle l’a tellement observé dans son quotidien qu’elle le connaît par cœur.  "Son crime fait de tout le reste de son existence une aberration, il empêche de la lire sous le prisme de la dignité ou d’une quelconque qualité morale." Des décennies après les abus, l’autrice a le courage de tenter de comprendre les ressorts psychiques de tels passages à l’acte, c’est-à-dire la "soupape psychique" que constitue le viol pour prévenir un effondrement du sujet. Et...

Famille, je vous haine

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"Voilà ce qu’est la famille : d’abord elle vous chasse et ensuite elle vous reproche de fuir." Édouard Louis L’effondrement   Voilà dit en si peu de mots ce qui constitue le noyau de nombreux patients et analysants. Parce qu’une fois cela dit, qu’en faire ? Être chassé ou se chasser soi-même de sa propre famille pour ne plus subir ce qui s’y joue est une chose mais supporter ce départ en est une autre. Regrets et culpabilité s’invitent dans l’histoire.  Les reproches inévitables accroissent les difficultés du sujet qui avait déjà bien du mal à assumer sa décision.  L. veut couper mais n’y arrive pas et se plaint, se plaint et se plaint encore des demandes maternelles. E. a mis plusieurs centaines de kilomètres de distance entre sa vie et celle de ses parents mais se désespère de trouver chez elle des fonctionnements identiques à ceux qu’elle avait fuis. I. voudrait ne rien attendre de son père mais se retrouve toujours à organiser un séjour chez lui, même quand elle n’e...

Résonances du procès Mazan

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 Résonances du procès Mazan Collage féministe en face du tribunal d'Avignon - Photographie Adèle Bossard Dominique Pelicot a donc drogué, violé et fait violer son épouse par des dizaines d’hommes pendant plusieurs années, crimes documentés par les vidéos qu’il réalisait et qu’il a rigoureusement classées sur son ordinateur. Voilà pour les faits du dit procès Mazan. La victime a eu le courage de refuser le huis clos et cela permet de prendre la mesure de l’ampleur des crimes qu’elle a subis mais aussi de l’atterrante défense des accusés. Lire sur le procès Mazan est éprouvant. Écouter des hommes dire qu’ils ne savaient pas l’état dans lequel était la victime, qu’ils n’ont pas compris ce qu’ils faisaient, écouter le mari qui alterne entre froideur à l’égard de la victime et grand chevalier qui la protège dépasse l’entendement bien souvent.  Et le travail psychique dans tout ça ? Parfois, certains événements qui touchent le collectif peuplent les séances, et ce plus ou moins ma...

Fabriquer une femme ?

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  « La femme n’ex-siste pas », voilà ce que disait Lacan en 1974 dans Télévision. Théorisant par là selon lui que les femmes sont toutes singulières, et donc irréductibles à un ensemble. C’est ce que Marie Darrieussecq vient travailler dans son roman  Fabriquer une femme (P.O.L). En effet, une fois que Lacan a dit ça, la psychanalyse continue comme depuis plus de 100 ans à se débattre avec la différence des sexes, une conception moniste ou binariste, la primauté du phallus (qui n’est pas le pénis), la minoration du féminin et finalement peine toujours beaucoup à théoriser ce qui prend tant de place du point de vue anatomique et du côté du plaisir physique. Marie Darrieussecq, qui connaît ses classiques lacaniens, répond à la formule de 1974 par un roman. Parce que si la femme n’existe pas, il s’en fabrique pourtant des millions partout et tout le temps. Donc c’est bien qu’elle existe quelque part. Retrouver les personnages des romans précédents de Marie Darrieusse...

Accommoder les bébés ? Ecrire la norme et faire la mode depuis cent ans

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1979. Deux autrices entreprennent de décortiquer la littérature à destination des futures mères. Elles lisent et étudient alors les livres, guides, manuels parus depuis une petite centaine d’années en France qui prodiguent conseils, injonctions et interdictions à suivre pendant la grossesse et les premiers mois de vie des enfants. Le double regard de Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste, et Suzanne Lallemand, ethnologue, dans  L’art d’accommoder les bébés , permet un éclairage clinique et des comparaisons avec d’autres sociétés (Afrique subsaharienne, Amérique du Sud, Etats-Unis, Chine…). Couverture du livre dans son édition poche, 2014. Rôle de la mère, place du père, nourrissage, toilette, sommeil, acquisition de la bien mal nommée « propreté », langage utilisé dans les livres et autres rituels du début de vie font l’objet de discours publics construits par des soignants, assénés par toute l’autorité que leur confère leur savoir médical. Pourtant ces discours ...

Hartmut Rosa, la résonance et la psychanalyse

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  Hartmut Rosa, la résonance et la psychanalyse Le penseur allemand de l’accélération et de ses effets psychiques a donné récemment une interview au journal  Le Monde  à l’occasion de la publication en France de son dernier livre  Pourquoi la démocratie a besoin de la religion . Capture d'écran de l'interview d'Hartmut Rosa disponible ici Il y revient sur ce qu’il nomme l’accélération des sociétés actuelles, à savoir qu’elles sont vouées à accélérer pour maintenir leur équilibre qu’il appelle « la stabilisation dynamique ». Paradoxalement, les sociétés en viennent à perdre le sens du mouvement puisqu’il est là comme une agitation et non comme une respiration. L’accélération prend aussi bien la forme de la destruction du vivant que de la production toujours plus importante d’objets toujours plus puissants et imprime un rythme effréné de vie pour les individus. Hartmut Rosa en pointe donc les effets mortifères pour les individus et les sociétés. Sans faire ...

En thérapie, la psychanalyse en série

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Qu’est-ce qu’une psychanalyse ? Le docteur Dayan est-il un bon analyste ? Ariane, Adel, Inès ou Robin se comportent-ils comme n’importe quel patient ? La supervision prend-elle toujours un tour aussi dramatique pour les analystes ? Toutes ces questions ont surgi - jusqu’au cabinet des psychologues et psychanalystes parfois - au moment de la diffusion sur Arte des deux saisons de la série En thérapie. Le succès a été tel que les éditions Gründ ont confié à Émilie Gavoille, Sophie Gindensperger, Guillaume Launay et Joffrey Ricome le soin d’analyser la série. Vrai ou faux ? Plausible ou purement cinématographique ? Pour répondre à ces interrogations, ils ont fait appel à des psychanalystes. J’ai donc eu le plaisir de répondre aux questions de Sophie Gindensperger à propos d’Adel Chibane, le personnage du policier de la BRI interprété par Reda Kateb. Au programme : symptômes, résistance, passage à l'acte, traumatisme, amnésie, transfert et pulsion de mort notamment.  Dans ce livre v...

Mon Psy / Mon parcours Psy / Mon soutien Psy

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Information avril 2022 :  Je ne fais pas partie du dispositif Mon Psy qui, selon moi, ne permet pas une prise en charge convenable de la situation psychique de chacun. Caroline Bernard 2 Place du Maroc 75019 Paris 06 80 66 22 55 https://www.doctolib.fr/psychologue/paris/caroline-bernard

Nouveau cabinet à partir de novembre 2021

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Le cabinet déménage et s'installe au 2 Place du Maroc, 75019 Paris, à partir de novembre 2021. Je l'ai voulu agréable et chaleureux afin de recevoir  les adolescents et les adultes qui viennent avec une demande de thérapie ou d'analyse. La prise de rendez-vous se fait au même numéro de téléphone (0680662255) ou via Doctolib.

Adel Chibane en thérapie

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La série En thérapie diffusée sur Arte occupe les écrans et s'invite dans les séances des patients et des analysants. Les dialogues (écrits par David Elkaïm, Vincent Poymiro, Pauline Guéna, Alexandre Manneville et Nacim Mekhtar) sont d'une telle finesse qu'ils captivent autant que le jeu des acteurs et des actrices. Suite à la lecture de l'article de Hassina Mechaï pour le site Orient XXI intitulé " En thérapie". La malédiction du policier Chibane , qui propose une lecture dans laquelle je ne me suis pas retrouvée, j'ai eu envie de répondre à ses arguments pour montrer une autre interprétation possible du personnage et des rouages psychiques à l'œuvre. Tout d'abord sur l'ambivalence d'Adel Chibane, interprété par Reda Kateb, présent mais attaquant le psy, qui, selon l'autrice, jette la suspicion. Je dirais plutôt qu'il place d'emblée le personnage dans la position du sujet qui ne veut rien (sa)voir de sa situation mais acculé...