Qu'est-ce que l'inconscient ?
Comment
expliquer ce qu’est l’inconscient ? Entre deux portes, à l’occasion d’un
dîner, me voilà sommée d’expliquer ce que « les psys » appellent
l’inconscient. Plutôt qu’entre deux portes, voilà un court texte pour aborder
les manifestations de l’inconscient.
Il œuvre dans l’ombre. C’est le principe de
l’inconscient. Vous croyez tout savoir, être au clair, vous rendre compte,
avoir analysé ce que vous faisiez, ce que vous disiez, ce que faisait l’autre,
ce qu’il disait, ce qu’il se passait entre vous.
Et puis un jour, l’évidence survient, lors d’une
séance ou pendant une discussion. Vous prenez conscience de ce qu’il s’est
passé. Ou bien, quelque chose advient. Un acte, une décision. Quelque chose qui
engage et « ça » se fait malgré vous.
Et là, le gouffre s’avère béant. Il ne s’est pas
passé ce que vous pensiez. Pas exactement. Vous n’avez pas vu. On pourrait dire
que vous n’avez pas voulu voir, mais cela serait nier la force de
l’inconscient. Il y avait bien des indices, des traces. Mais vous n’avez pas su
les interpréter. Et ce n’est que dans l’après-coup qu’ils se révèlent à vous.
C’est cette femme dont les relations avec son père
alcoolique sont depuis l’enfance compliquées. Elle maintient le lien. Parfois
de loin en loin. Souvent presque malgré elle. Mais elle le fait. Naît son
premier enfant, elle prend peur et coupe les relations avec son propre père.
C’est un fait. Ce n’est pas vraiment une décision. Elle hésite, en parle à son
mari qui la conforte plutôt dans cette idée, puis elle laisse le lien se
distendre. Elle perçoit ce qui est en train de se passer, mais seulement la
surface. Ce n’est qu’un an après la mort de son père qu’au détour d’une séance
elle remarque que sa grande sœur, lorsqu’elle était devenue mère, avait pris la
décision de ne plus voir leur père. Cette mise en série des ruptures vient
questionner sa position. Etait-ce compatible pour elle d’être fille de son père
et mère de son enfant ?
C’est cet homme qui choisit des partenaires instables
qu’il qualifie de folles. Mais c’est ainsi qu’il les choisit et c’est aussi
pour cela qu’il les quitte. Il s’assure comme cela de ne pas trop en demander à
son désir, tout en se plaignant de ces échecs. Quoi de mieux que des compagnes
qui ne savent pas si elles veulent s’engager ? Qui soufflent le chaud et
le froid dans leur relation ? Il s’évite ainsi un choix. Il peut s’engager
avec l’assurance inconsciente que rien ne bougera. Quand, après quelques années
d’analyse, il rencontre une femme qui ne correspond pas aux précédentes, il se
trouve face à son propre désir. Une femme qui vient lui signifier qu’il était
partie prenante de ses échecs précédents, que la question de son désir est la
sienne et qu’elle reste toujours vive.
C’est cette femme persuadée pendant de très
nombreuses années de ne pas être aimable et qui reste seule. A la faveur de son
analyse, elle comprend ce qui se joue dans cette idée. Un jour, elle rencontre
un homme. Elle est heureuse, pense que cette question est derrière elle. Bien
sûr, il ne se confie pas beaucoup.
Evidemment, elle le voit. Mais les mois passent dans cette douce
insouciance. Elle l’aime, lui dit, croit qu’il n’en pense pas moins mais qu’il
ne le dit pas. Et puis, un jour l’asymétrie se révèle. Il ne l’aime pas. L’inconscient
était donc toujours à l’œuvre. C’est pourtant lui qu’elle a choisi. Un homme
qui vient lui signifier qu’en effet elle n’est pas aimable et qu’elle n’en a
pas fini avec cette question-là.
Pourtant c’était si confortable quand ils ne voyaient
pas. Bien sûr, il y avait des moments de doute, d’angoisse, de tristesse. Mais
ça ne bougeait pas trop alors ils s’en contentaient.
Le jour où vous prenez conscience de ce qui s’est
joué à votre insu, il vous appartient de ne pas trop y toucher pour vous éviter
une confrontation un peu trop violente avec votre désir ou bien d’en faire une
occasion d’élaboration et de bouleversement. Autant le dire, il est difficile
de s’y confronter sans y laisser des plumes. Pour certains les plumes prennent
la forme des larmes, pour d’autres de quelques kilos en plus ou en moins. Il
arrive aussi qu’un mal de dos vous assaille sans crier gare ou que vos jambes
soient subitement douloureuses. Quand ce n’est pas votre ventre qui se fait
entendre. Le corps s’y met, il vous rappelle que vous avez accepté de faire
avec votre inconscient pour ne pas lâcher sur votre désir.
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