Deux jours, une nuit : de la répétition


Elle s’appelle Sandra. Elle travaille dans une petite entreprise. Le film commence lorsqu’elle s’apprête à retourner au travail après une dépression qui l’a tenue éloignée de son mari, de ses enfants et de son emploi pendant quelque temps. Entre sommeil et Xanax, elle apprend un vendredi soir qu’un vote des salariés a décidé qu’elle ne pourrait pas revenir. Le contremaître ayant fait comprendre qu’il fallait choisir entre la réembauche ou les primes, mais que l’une ne pouvait pas aller avec les autres. La prime de mille euros qui était promise a penché en sa défaveur.

Alors, Sandra, soutenue, aidée, aiguillée par son époux va, durant deux jours, rencontrer ses collègues pour les convaincre de voter pour elle le lundi matin quand un nouveau vote aura lieu, comme l’a accepté le patron. Ici, point de collectif : le sujet doit convaincre dans une relative solitude.

Dans ces rencontres, dans ces appels, la répétition surgit. Redire une bonne dizaine de fois la même chose. Mais Sandra, que le temps et la peur de perdre son emploi pressent, invente justement. Il n’y a là que répétition de surface. Un mot qui change pour dire qu’elle comprend le refus, une tournure plus positive pour affirmer sa place, une peur latente devant la violence qu’elle suscite - elle qui devient le symptôme de ce qui ne va pas dans un couple ou entre un père et son fils -, un découragement devant ce qu’elle doit demander : c’est dans ces multiples variations qu’elle joue sa partition.

Cette répétition se joue aussi en thérapie, et le sujet ici encore - soutenue par la personne qui l’écoute - ne revient pas à l’identique. Il y a bien là une invention, une recherche pour épuiser cette préoccupation, pour la saisir le plus complètement possible. Y revenir inlassablement pour pouvoir la laisser un jour.

Après avoir répété, Sandra s'invente un nouveau personnage le lundi matin. 
Elle a créé dans cette répétition.







Caroline Bernard - Psychologue clinicienne
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