Et tu danses, Lou : une enfant unique

Un journaliste, un de ceux qui vers minuit parlent de livres à la télévision, et une éditrice se rencontrent. Ils s'aiment, non pas comme dans un long fleuve tranquille, mais plutôt comme deux adultes dont les désirs ne s'accordent pas toujours.
Un enfant naît. C'est une petite fille. Petite en effet, toute petite.
Très vite chacun perçoit la singularité de Lou, si frêle, à l'appétit de moineau, prenant son temps avant de marcher et choisissant les lettres qu'elle prononce. Une toute petite modification génétique fait de Lou une enfant anorme, une enfant qui nécessite une attention  singulière et des solutions particulières.
Face à cette altérité, et en plus de parer au plus pressé, Pom Bessot écrit. La mère raconte sa fille, Lou. Le père, Philippe Lefait, écrit une fois sa fille devenue "normalement chiante" à l'adolescence. Ce livre écrit à quatre mains parle d'une famille et de sujets qui inventent tous les jours.


Angoisse
Elle est là. Pour la mère. Dès la grossesse. Parce que cette enfant s'est faite attendre. Parce que l'anorexie plane sur la vie de Pom Bessot, comme une compagne un peu trop collante. Elle surgit de nouveau lors de la naissance de Lou, parce que la "révolution d'être mère" et la perception, pleine de doute, d'avoir une fille différente terrasse la femme. Elle rejaillit aussi sur les soignants qui portent alors très mal leurs noms. Angoissés, beaucoup le sont face à Lou, et ses parents le comprennent très vite. Ils en ont fait leur radar. Un moyen pour accorder ou non leur confiance.
L'angoisse fait très vite douter de leur capacité à accueillir un père et une mère laissés sans réponse à des questions si compliquées. Le doute, ce fidèle compagnon de la culpabilité.

Culpabilité
Pourquoi mon enfant est-il si différent ? Est-ce de ma faute ? Et l'athéisme des parents ne vient pas minimiser l'ampleur de la culpabilité qui taraude trop souvent jusqu'au diagnostic plusieurs années après la naissance. Et pourtant, même après, la culpabilité ne s'efface pas tout à fait. Elle s'est déplacée. Les colères monstrueuses de Lou - quand elle peine à exprimer ses sentiments, quand ses parents peinent à la comprendre - renvoient chacun à son angoisse. Il y a alors des cris. Et quand la bourrasque est passée, chacun reprend sa place, se questionne, et tente de ne pas trop s'en vouloir d'avoir réagi ainsi.

La langue
Rencontrer quelqu'un, c'est découvrir la langue de l'autre, c'est croire que l'autre parle la même langue que soi. Quand un enfant naît, c'est une troisième langue qui surgit, et c'est toujours celle de l'autre. Une langue que chacun croit comprendre et qui se révèle unique. Il faut alors la décrypter. Chacun écrit sa propre langue, se fait cueillir par l'autre et sa singularité. Avec Lou les solutions vont être uniques, forcément uniques. Quelques mots parlés, des pictogrammes et la langue des signes. Une découverte quotidienne de l'autre.

Le tricot
Pour faire tenir le tout, cette famille, et faire grandir Lou, la seule solution des parents comme des soignants et éducateurs passe par les aiguilles. Il faut tricoter. Au plus près. Défaire un rang pour le remonter aussitôt. Comme dans toutes les familles, chacun tâtonne - mais ici avec plus d'exigence dans la finesse des mailles, dans la variation des motifs, dans l'ajout des couleurs. C'est une pièce sur mesure à laquelle Lou participe activement. Ce n'est pas simple, notamment parce que les aiguilles peuvent piquer et les mailles se défaire, mais Lou et ses parents ont pris le parti de construire une maille, plus une maille, plus une maille








Caroline Bernard - Psychologue clinicienne
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